Grand âge, dépendance, handicap : le nouveau régime des tutelles

Grand âge, dépendance, handicap : le nouveau régime des tutelles

Depuis le 1er janvier 2009, le régime des tutelles a changé pour se recentrer autour de la personne incapable.

Réformer, une nécessité
L'ancienne mouture de la loi sur les tutelles, vieille de 40 ans, n’était plus adaptée à l’allongement de la durée de la vie. Conçue au départ pour quelques milliers de personnes, la protection juridique des majeurs en concernait en 2008 pas moins de 700 000 (1% de la population globale). Un régime trop large et trop onéreux à contrôler. Une réforme en profondeur a donc été entamée, un marathon législatif arrivé à son terme le 5 mars 2007, pour une entrée en application presque deux ans plus tard, au 1er janvier 2009.
Un régime recadré...
Désormais, la protection juridique des majeurs est strictement limitée aux incapables majeurs, c'est-à-dire aux personnes souffrant d’une « altération des facultés mentales et corporelles » les empêchant de défendre leur intérêt ou d’exprimer leur volonté. Il n’est donc plus possible, en l’état actuel du droit, de réclamer une mesure de protection pour des personnes socialement fragiles (précarité, surendettement). De même, dans sa nouvelle version, le Code civil ne fait plus mention des cas de « prodigalité », « d’intempérance » ou « d’oisiveté » pour justifier une mise sous tutelle ou curatelle.
…et recentré sur la personne.
L’autre apport de la réforme a été d’accorder plus de poids à la personne dépendante dans la procédure, en lui donnant systématiquement la parole sur ses envies et ses besoins avant toute décision de justice. Autre innovation : le mandat de protection future, créé par la loi du 5 mars 2007, qui permet à quiconque d’organiser sa future dépendance. Une sorte de testament où la personne décide qui s’occupera d’elle et de son patrimoine au cas où son discernement viendrait à être altéré.

La marche à suivre 
Tout l’enjeu de la mise sous tutelle ou curatelle c’est de protéger la personne physiquement ou mentalement diminuée contre les autres ou contre elle-même. Pour éviter par exemple qu’elle dilapide son argent, ne se fasse escroquer ou ne se mette en danger.Dans ce cas, ses proches (mari, concubin, enfants, parents), peuvent demander une mesure de protection juridique, en déposant une requête au greffe du tribunal d’instance. La protection peut également être réclamée par le procureur de la République ou émaner de la personne elle-même (d’autant plus facilement aujourd’hui avec le mandat de protection future).
Le placement sous protection juridique a des conséquences graves au niveau des droits de la personne. Au même titre qu’un enfant, il peut lui être interdit d’accomplir certains actes de la vie de tous les jours. Pour éviter les abus, la loi a donc prévu des garde-fous. La demande de mise sous tutelle ou curatelle doit systématiquement être accompagnée d’un certificat circonstancié, établi par un médecin spécialement habilité (liste disponible auprès du parquet). La décision finale revient au juge des tutelles. Depuis la réforme, la loi lui impose d’étudier toutes les mesures alternatives et de n’opter pour la protection juridique qu’en dernier recours. La personne incapable est systématiquement entendue et peut même être assistée d’un avocat au cours de l’audition.

Les degrés de protection
La tutelle est le stade ultime de dépendance juridique. Avant d’en arriver là, plusieurs statuts intermédiaires permettent à la personne protégée de conserver un certain degré d’autonomie.
 
L’accompagnement social
C’est une des innovations de la réforme de 2007, elle permet de faire la différence entre les problèmes sociaux (précarité, surendettement) et médicaux (altérations physiques et mentales). Ce n’est pas à proprement parler une mesure de protection judiciaire, elle s’adresse aux allocataires de prestations sociales qui ont du mal à gérer seuls leurs revenus. Dans ce cas, le département peut mettre en place une MASP (mesure administrative d’accompagnement social personnalisé). Si ça ne suffit pas, une mesure d’accompagnement social judiciaire peut-être décidée.
 
La sauvegarde de justice
C’est le niveau 1 de protection légale. Elle peut-être décidée de manière provisoire pour faire face à une incapacité temporaire (suite à un accident par exemple). La personne concernée conserve le contrôle de tous les actes de la vie courante (retrait d’argent, achat, vente). Le contrôle des proches ne se fait qu’a posteriori, pour vérifier si les actes passés ne sont pas démesurés. Ex. : donation astronomique ou vente à un prix ridiculement bas. Si le préjudice paraît trop grand pour la personne protégée, elle peut demander la réduction voire l’annulation de l’acte. Cette mesure est limitée dans le temps, un an pas plus (renouvelable une fois). Elle est souvent une étape transitoire vers un régime plus protecteur comme la curatelle ou la tutelle.
 
La curatelle
Ce régime permet de préserver une part d’autonomie et s’adresse aux personnes qui sont toujours aptes à accomplir des actes du quotidien : signer des chèques, toucher et dépenser ses revenus, etc. La capacité d’agir seul s’arrête aux actes les plus compromettants : mariage, donation, emprunt, vente d’un bien immobilier, embauche… Dans ce cas, l’accord du curateur est obligatoire Seulement quelques actes sont interdits (exercer un mandat électoral ou être commerçant). Le cadre de la curatelle est variable et peut-être ajusté par le juge des tutelles en fonction des cas (curatelle allégée ou renforcée).
 
La tutelle
Ce régime est le plus lourd et le plus protecteur. Il est donc réservé aux personnes les plus atteintes, le plus souvent il s’agit d’handicapés mentaux, rarement physiques. La personne placée sous tutelle ne peut presque rien décider seule. Achat, vente, emprunt, tout acte juridique doit être contresigné par son tuteur. Quand le patrimoine est important ou que la situation familiale le justifie, un conseil de famille composé d’au moins quatre personnes est chargé d’avaliser les décisions concernant la personne protégée.
 

Qui choisir comme tuteur ou curateur
Personne ne peut s’autoproclamer tuteur ou curateur. Il peut-être soit désigné directement par la personne dépendante, dans le cadre d’un mandat de protection future, soit par le juge des tutelles.
Le premier cercle. La justice a tendance a choisir le tuteur dans la cellule familiale : conjoint, enfants, petits-enfants, etc. Le lien de parenté est toujours privilégié. La réforme est encore venue élargir le « cercle familial » en intégrant les concubins ou les partenaires de Pacs. De même les proches sans lien de sang sont admis à postuler comme tuteur ou curateur.
Tuteur/curateur extérieurs.
A défaut de parents ou de proches, le juge se tourne vers un tuteur ou un curateur « professionnel ». On les appelle « mandataires judiciaires à la protection des majeur ». Avec la réforme, leur fonction a évolué et s’est professionnalisée. Désormais, ils doivent justifier d’une formation, sanctionnée par un certificat : le CNC (certificat national de compétence). La liste des mandataires judiciaires agréés est disponible dans toutes les DDASS.
Mission à durée déterminée.
Le tuteur ou le curateur est désigné pour cinq ans au plus. Ensuite, il faut revenir devant le juge. Ce qui oblige une révision régulière de la décision, afin de s’adapter aux évolutions de santé mentale ou physique du majeur protégé.
Le « subrogé » tuteur/curateur.
C’est une sorte de «  tuteur du tuteur », désigné par le juge pour vérifier les actes passés par le curateur ou le tuteur. Ils n’interviennent qu’en cas de conflit ou quand il y a un risque pour que les intérêts de la personne protégée.

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